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kim dorland | Is this it? | 5 oct - 11 nov, 2023
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Here we are, it’s here. Scientific forecasts, which always cited 2100 as the planet's environmental point of no return, had already pushed back this deadline to 2050, but now 2023 already seems like the irreversible realization of this collapse. Both hope and skepticism have been dashed by the megafires that ravaged Canada, from Quebec to Alberta and the Northwest Territories, not to mention the floods that engulfed parts of the Maritimes already charred by last spring’s wildfires. Even in our worst nightmares and disaster scenarios, it didn't look like this. Kim Dorland has already painted the forest in the grip of flames, part of the regeneration cycle of the ecosystems he’s observed, but today it's much more than that.
Long imbued with a latent melancholy, Dorland’s paintings now weigh even more heavily in this context: the impasto borders on asphyxia, and the saturated, acid colours he is so fond of now take on a toxic hue. Some works offer a respite from the flames, between moments of incredulity and protective denial. On other new canvases, fire eats away at the surface and burn the skies. The multiple, hypnotic pyres of Rabble, the incandescent horizon of Canadian Wildfires (the US media have certainly exacerbated anti-Canadian sentiment by blaming their neighbour for poor air quality in New York or Seattle), even Sasquatch has been set ablaze (Sighting) in this new body of work suffused with contradictory eco-emotions. The works contaminate each other, generating chaos that is thankfully appeased by paintings of house facades overgrown with ivy and vegetation, which provide a salutary counterpoint. Vegetation’s victory over buildings is less a reference to neglected environments than a desire for radical abandonment and the need for profound change.
Kim Dorland’s art isn’t overtly political, but nowadays, how can we feel safe without taking a hard look at our society? By making everything appear suspect and restless, every sky is charged with doubt, every colour becomes meaningful. "Is This It?" is a deliberately open question with an ambiguous pictorial answer, leaving us unsure if it’s recounting what has happened, speculating on a possible ending, or simply drawing the first images of a worst case scenario. In the past, Kim Dorland demonstrated a kind of fascination with the future, which is something he revives here, although now it is tinged with an uncomfortable yet healthy dose of solastalgia.1
Bénédicte Ramade (translated by Jo-Anne Balcaen)
1. A neologism coined by Glenn Albrecht in 2005 to describe a nostalgia stemming from a deprivation of the comfort usually provided by a link to the land. For the Australian philosopher, this "lived experience of negatively perceived environmental change" qualifies as a new mal du siècle. As Albrecht stated in Le Monde in 2019: "A person experiencing solastagy is likely to feel the need to stop the causes that are causing it. Often, this involves political action. I have always maintained that there is a politics of solastalgia."
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Nous y voilà, nous y sommes. Les prévisions scientifiques, qui donnaient toujours l’horizon de 2100 comme point de non-retour environnemental de la planète, avaient déjà abaissé cette échéance à 2050, mais l’année 2023 ressemble déjà à un genre de concrétisation irréversible de l’effondrement. Espoirs et scepticisme ont été abattus du même coup par les mégafeux qui ont rongé le Canada du Québec à l’Alberta, en passant par les Territoires du Nord, sans parler des inondations qui ont englouti certains territoires des Maritimes déjà brûlés au printemps. Même dans les pires cauchemars et les scénarios catastrophiques, cela ne ressemblait pas à cela. Kim Dorland avait déjà peint la forêt en prise avec les flammes, cela fait partie du cycle de régénérescence de ces écosystèmes qui ont constitué son terrain d’observation, mais aujourd’hui, c’est bien plus que cela.
Empreintes depuis plusieurs années d’une mélancolie latente, ses toiles sont désormais plus lourdes encore de ce contexte : l’empâtement donne la sensation d’une asphyxie, les couleurs saturées et acides que le peintre affectionne prennent désormais une teinte toxique. Certaines œuvres offrent un répit contre les flammes, entre moment d’incrédulité et déni protecteur. Dans d’autres toiles, les feux rongent les surfaces et brûlent les ciels. Bûchers hypnotiques démultipliés dans Rabble, horizon incandescent de Canadian Wildfires (les médias étasuniens n’ont pas manqué d’exacerber un sentiment anti-canadien en blâmant leur voisin pour la mauvaise qualité de l’air respiré à New York ou Seattle), même le sasquatch s’est embrasé (Sighting) dans ce nouvel opus habité par des écoémotions contradictoires. Les œuvres se contaminent entre elles pour produire une commotion heureusement apaisée par des peintures de façades de maison gagnées par le lierre et la végétation, offrant ainsi un contrepoint salutaire. Cette victoire de la végétation sur le bâti, moins que de renvoyer à un environnement négligé, signifie désormais un désir de déprise radicale et la nécessité d’un changement profond.
Kim Dorland ne fait pas d’art politique frontalement, mais comment désormais se sentir à l’abri et s’épargner une réflexion profonde sur notre société. En rendant tout suspect, intranquille, chaque ciel se charge d’un doute, chaque couleur devient signifiante. « Is This It ? » est une question volontairement laissée ouverte, dont la réponse picturale est ambiguë, sans qu’on sache vraiment si elle relate ce qui est arrivé, spécule sur une fin possible, ou dessine simplement les premières images d’un récit du pire. Par le passé, Kim Dorland avait dénoté une certaine fascination pour le futur, avec laquelle il renoue, teinté par une solastalgie1 inconfortable bien que salutaire.
Bénédicte Ramade
1. Néologisme de Glenn Albrecht qualifiant depuis 2005 une nostalgie issue d’une privation de réconfort donné habituellement par un lien à la terre. Cette « expérience vécue d’un changement environnemental perçu négativement » qualifie pour le philosophe australien, un nouveau mal du siècle. Albrecht précise en 2019 au quotidien Le Monde : « Une personne faisant l’expérience de la solastagie ressentira probablement le besoin de faire cesser les causes qui en sont à l’origine. Souvent, cela implique une action politique. Je soutiens depuis toujours qu’il y a une politique de la solastalgie. »
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Kim Dorland pushes the boundaries of representation through an exploration of memory, material, nostalgia, identity and place. Drawing heavily from the history and language of painting, the loose yet identifiable scenes are interjected with areas of heavy abstract impasto. His refusal to remain faithful to one medium or approach plays into the symbiotic nature of his work. He has exhibited globally, including shows in Milan, London, New York, Chicago and Los Angeles. His work is featured in the Contemporary Art Foundation (Japan), The Sander Collection (Berlin); Musée des beaux-arts de Montréal; Musée d’art contemporain de Montreal; Glenbow Museum (Calgary); Museum of Contemporary Art San Diego, Art Gallery of Alberta, the Audain Art Museum and numerous important private collections.
Bénédicte Ramade is an art historian, art critic and independent curator specializing in environmental issues. In Quebec, she curated the inaugural exhibition of the Fondation Grantham pour l’Art et l’Environnement in 2019 (Apparaître-Disparaître) and the monograph of Anahita Norouzi, recipient of the Foundation's prize in 2022. Vers un art anthropocène. L'art écologique américain pour prototype, published by Presses du réel in September 2022, updates her doctoral thesis on ecological art by opening up an anthropocene perspective and has been nominated for the Pierre Daix Prize. After ten years of teaching at the Université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), she is now teaching in Art History at the Université de Montréal and the École des Arts Visuels et Médiatiques of UQÀM. ..
Kim Dorland repousse les limites de la peinture figurative en explorant les thèmes de la mémoire, de la matière, de la nostalgie, de l’identité et des lieux. S’inspirant fortement de l’histoire et du langage de la peinture, ses scènes conceptuelles, mais reconnaissables, sont entrecoupées d’épais empâtements abstraits. Son refus de se limiter à un seul média ou à une seule approche affecte l’aspect symbiotique de ses œuvres. Il a exposé dans le monde entier, notamment à Milan, à Londres, à New York, à Chicago et à Los Angeles. Son travail est présenté à la Contemporary Art Foundation (Japon), à la Sander Collection (Berlin), au Musée des beaux-arts de Montréal, au Musée d’art contemporain de Montréal, au Musée Glenbow (Calgary), au Museum of Contemporary Art San Diego, à l’Art Gallery of Alberta, au Audain Art Museum et figure dans de nombreuses collections privées d’envergure.
Bénédicte Ramade est historienne de l’art, critique d’art et commissaire d’exposition indépendante spécialisée dans les enjeux environnementaux. Au Québec, elle a commissarié l’exposition inaugurale de la Fondation Grantham pour l’Art et l’Environnement en 2019 (Apparaître-Disparaître) et la monographie d’Anahita Norouzi, récipiendaire du prix de la Fondation en 2022. Vers un art anthropocène. L’art écologique américain pour prototype, paru aux Presses du réel en septembre 2022, actualise sa thèse de doctorat sur l’art écologique en ouvrant une perspective anthropocène et a été nommé pour le prix Pierre Daix. Après dix ans d’enseignement à l’Université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), elle est désormais chargée de cours en Histoire de l’art à l’Université de Montréal et à l’École des Arts Visuels et Médiatiques à l’UQÀM.
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